i wanna love you as much as i loved her.

Trop chaud. Et puis trop froid. Tous les prétextes semblaient être bons à son corps pour ne pas fermer les yeux. Soupirant longuement, Declan fixa le plafond de la chambre. Une minute, puis deux, et ainsi de suite qui s’enchaînèrent pour faire des heures. Ouais… d’interminables heures qui ne trouvaient pas de fin. Parfois il restait inerte à fixer le plafond comme si celui-ci allait afficher un signe du saint esprit, si tant est qu’il existe. A d’autres moments, il jetait un coup d’œil à la silhouette qui se dessinait dans le noir… d’autres fois encore, il se surprenait à fermer les yeux, à sentir la vieille odeur d’une vie plus simple… les rires de son fils, la simplicité toute bête des choses. Le quotidien, juste le quotidien, mais pas celui qu’il portait sur ses épaules depuis des années déjà. Non, celui d’une autre époque. Une époque résolue. Non, il n’avait pas le droit de penser à ça. Pas le droit, pour lui, pour elle, pour eux deux. Parce que ça n’en valait plus la peine, parce qu’il avait décidé de passer à autre chose, coûte que coûte. Après plusieurs heures de somnolence qui aurait pu le conduire sur le chemin de la folie, il finit par trouver le sommeil, dans un miracle qu’il n’expliquait pas au moment du lever. Un moment de grâce, ou quelque chose du genre. Le lendemain matin, c’est un rayon du soleil en plein dans ses yeux qui le réveilla. Trop de lumière, alors que concernant ses rêves, c’était le trou noir intégral, comme si son cerveau agissait par un système d’autoconservation et qu’il savait que ce dont il avait rêvé, ne ferait que le miner encore plus. Pour faire simple, depuis son accident de voiture, celui là même qui avait coûté la vie à son fils, il ne rêvait plus. Au départ, il avait pu croire que c’était parce que l’alcool annihilait trop ses sens. Et finalement, ça semblait être autre chose. Bah, il était trop vieux pour rêver. Emergeant de son court cycle de sommeil dans un grognement, Declan se passa une main sur les yeux, frottant ceux-ci dans l’idée de rassembler ses idées du mieux possible. Matin. Semaine. Boulot. Ah oui, boulot. Le fameux boulot qui le faisait se lever le matin, pas franchement glorieux comme job, mécanicien… mais ça lui permettait de se nourrir, et de nourrir la nouvelle petite famille qu’il dressait autour de lui le temps faisant.. S’étirant longuement sous les couvertures, il mit un certain temps à se rendre compte que le lit était vide de l’autre côté. C’est ainsi qu’il se permit un nouveau soupir exaspéré. Elle l’avait remarqué. Forcément. Les femmes avaient toujours le don pour remarquer les choses qui clochaient, particulièrement chez une personne qui partageait leur vie. Une chance pour lui, elle n’avait pas encore commencé à l’interroger sur ses insomnies. D’ailleurs, c’était mieux ainsi, il n’avait pas envie de semer le doute entre eux pour rien… oui, pour rien.

Après quelques minutes de réveil plus ou moins penchées sur la réflexion, Declan vira les couvertures, pour mieux se lever. Passage express vers la douche, une douche bien chaude pour le réveiller dans un quelconque confort, chose dont il n’avait pas vraiment pu profiter pendant sa nuit. Habillé et prêt à affronter sa journée, il descendit à la cuisine, pour rejoindre Ana et Sean qui déjeunait déjà tranquillement. Un sourire à l’adresse des deux, plus entendu à l’adresse de Ana alors qu’elle venait déposer un baiser sur son front, et voilà que la journée débutait. Sans plus de cérémonie, Declan trouva sa place à table, devant un petit déjeuner trop copieux pour lui. Il n’avait pas pour habitude de manger des tonnes… ouais, précisons le matin, hein… à d’autres heures de la journée, l’alimentation se porte mieux. A une certaine époque, où les dimanches en famille se faisaient autour d’un bon petit déjeuner, il avait été du genre à aimer les tonnes de pancakes et le reste… sauf qu’à présent, comme si c’était encore un souvenir trop douloureux qu’il ne voulait partager avec personne d’autre, ce n’était plus son genre. Avalant donc son verre de jus de fruit en silence, mangeant quelques uns des trucs qui se présentaient devant lui, Declan ne fut pas des plus bavards pendant ce repas et quand bien même ça puisse gêner l’un de ses deux camarades de repas, il s’en fichait éperdument. Il pouvait toujours mettre ça sur le compte de la fatigue, ce qui était assez le cas, quand même. Il avait dormi quoi ? Quatre heures cette nuit à tout casser ? Eh bien voilà, il se prenait le retour de manivelle là. Il ne partit que quelques minutes après Sean et Ana, embarquant dans sa voiture pour se rendre vers son super job qui allait encore l’épuiser, comme souvent. C’est fou ce que les gens pouvaient avoir comme problèmes avec leurs voitures dans des coins de ce genre ! Mais bon. Encore une fois s’il voulait manger, il n’avait pas franchement le choix. En parlant de manger, quelques clients plus tard, voilà que la faim se manifesta du fin fond de l’estomac de Declan, l’amenant à grimacer en remarquant qu’il lui restait encore une heure de courageux travail, avant qu’il ne puisse se libérer. Se libérer pour ? Manger un sandwich tout seul ? Non… tiens, il allait modifier un peu son quotidien, pas vraiment puisque c’était une habitude qu’il prenait parfois… et comme en ce moment les choses n’étaient pas forcément merveilleusement mirobolantes entre eux, il allait inviter Ana à déjeuner un truc en ville. Bonne idée… ou pas, mais quand bien même, il était plus réveillé maintenant, après avoir mis plusieurs fois les mains dans le cambouis que quelques heures plus tôt, juste au saut du lit.

C’est ainsi qu’à midi douze tapantes, il entre dans le starbuck où Ana s’est trouvé un travail, adressant un sourire aux quelques collègues de celles-ci qu’il avait déjà plus ou moins bien connu. Approchant du comptoir, il s’appuya contre celui-ci, juste devant la jeune femme, un sourire plus détendu et moins contrit que ce matin, gravé sur les lèvres. « Alors ? Un déjeuner ça te dit ou tu préfères faire la grève de la faim ? » Non négociable, c’était l’un ou l’autre, rien que pour être sûr qu’elle accepterait son invitation. Ricanant légèrement à sa phrase, il répondit au baiser qu’elle vint déposer sur ses lèvres, profitant de ce passage romantique pour caresser doucement sa joue, avant de la laisser filer vers ses affaires, celles qu’elle devait ramasser avant de le suivre gentiment. Toujours accoudé au comptoir, il observa un instant les alentours, jusqu’à ce que la clochette de la porte n’attire son attention. Jetant un regard par-dessus son épaule pour voir qui pouvait entrer à cet instant, il reconnut instantanément la personne qui venait de faire son intrusion. La raison étant toute simple… ce n’était pas n’importe qui, puisque voilà déjà que tout son corps s’embarquait dans une réaction en chaîne sans queue ni tête, sans réelle destination. Non… non, c’était un cauchemar. Ou un rêve éveillé. Non, plutôt un cauchemar. Il allait se réveiller. Soupirant longuement, il se redressa, tentant de se concentrer sur sa faim plutôt que sur le léger malaise qui s’emparait de son ventre. Trop de malaise. Si bien qu’il ne réagit même pas, lorsqu’Ana revint à sa hauteur, visiblement excédée par cette présence dont elle n’est pas censée savoir grand-chose. Bouche close, mâchoires serrées l’une contre l’autre, expression contrite, Declan n’eut même pas le réflexe de la retenir, alors qu’elle filait déjà vers Alejandra pour l’accueillir comme… elle savait si bien le faire quand elle le voulait. « Laisse tomber Ana… Viens, on y va. » C’était presque une forme de supplication silencieuse qui lui était adressée là, insidieusement, il ne voulait pas rester là… et il ne voulait pas provoquer une esclandre, que ce soit dans ce starbuck ou dans son cerveau déjà remué dans tous les sens… c’est sans doute pour ça qu’il s’était approché de la jeune femme, pour l’attraper par le bras et ce, sans même une seule fois accorder un geste, un regard vers Alejandra… prétendre qu’elle n’était qu’un fantôme et que jamais elle ne pourrait revenir dans sa vie. Pas après l’avoir désertée comme elle l’avait fait.