andréas lou howard-croft

“ D’abord il y a le désir, puis la passion, ensuite le soupçon, la jalousie, la colère, la trahison, quand l’amour va au plus offrant la confiance est impossible, et sans la confiance il n’y a pas d’amour. La jalousie, oui, la jalousie... te rendra démon... ”

Je suis né(e) le vingt août mille neuf cent quatre vingt-huit à Londres, en Angleterre, j'ai donc vingt-trois ans. Je suis marié et fort heureusement, mais si vous voulez tout savoir je suis hétéro et j'en suis fière. Ma famille est de niveau moyenne, malheureusement c'est pas moi qui ai choisi cette vie. Je suis fils unique, comme ça, personne pour me pourrir la vie encore plus à longueur de journée. Depuis maintenant un an, je suis résident en chirurgie, des fois je me demande pourquoi j'ai choisis ça mais bon j'en ai bien besoin si je veux manger. Je fais partie des groupe, et je sais pas pourquoi mais les gens dans la rue me confondent souvent avec Nico Tortorella, si ça c'est pas la classe.

Andréas est né à Londres il y a vingt-trois ans d’un père pompier et d’une mère professeur d’histoire dans un lycée. Fils unique, on ne peut pourtant pas dire qu’il en a reçu tous les avantages. Étant de classe moyenne, ses parents ont tenté de lui inculquer une éducation plutôt stricte, car, pour eux c’était le seul moyen de permettre à leur fils d’atteindre le sommet. C’était leur rêve, et ils n’ont jamais caché à leur garçon que cela devait être son objectif principal. Ils étaient exigeants avec lui, ils le savaient, mais c’était pour son « bien » disaient-ils. Il devait être un bon élève, « l’un des meilleurs » comprit-il bien vite, être dans les bonnes grâces des personnes qui pouvaient influencer de « n’importe quelle manière possible » -dixit monsieur- son futur. Ils voulaient l’élever dans la société, ils n’auront réussit qu’à lui en faire détester. Andréas, ballotés toute son enfance dans des soirées pseudos-mondaines et présenté comme « le futur petit génie de la famille », a vite dénigré tout ce conformisme auquel il n’inspirait franchement pas. Lui, c’était un esprit libre qui refusait toute autorité qu’on pouvait prétendre sur lui, n’en déplaise au corps enseignant ou tout simplement à ses géniteurs. C’est pour cette raison que, comme d’instinct, il provoquait de lui-même le conflit en enchaînant les conneries pour, implicitement, marquer son désaccord avec le monde qu’il l’entourait. Mais malgré cette lucidité d’anticonformisme qu’il portait déjà sur lui-même, il n’était, ça s’accentua clairement à partir de l’âge de quinze ans, qu’immaturité et je m’en foutisme déconcertant. Il aimait se savoir au dessus des autres, et exempté de toutes interdictions, à tel point, qu’il se permettait allègrement de jouer avec les filles. Il n’était pas vraiment un connard, non, mais le libertinage dont il faisait preuve n’était pas vraiment du goût de toutes, on peut même dire qu’il était ouvertement libertin. Mais après tout, il n’était jamais amoureux, jamais. Pas de sentiments, par conséquent, aucun remords.

Mais voilà, il y a eu ces quatre petits mois, entre ses quinze et seize ans, qui ont légèrement changés la donne durant cette période. Ça peut paraître grotesque quatre mois pour influencer une vie, et pourtant c’est bel et bien le cas pour le jeune homme. C’était un vendredi soir, ou peut-être bien un samedi qu’importe, Andy traînait dans un vieux et délabré skate park à des dizaines de minutes de chez lui, il aurait une bonne raison à donner lorsqu’il rentrera, comme d’habitude, après le dîner. C’était une de ses passions, le skate, même s’il n’aimait pas employer ce mot « passion », ça lui permettait de s’évader quelques instants de la réalité et d’oublier ses parents et la pression qui lui mettait continuellement même s’il niait que ça le touchait malgré lui. Bref. C’est lors de cette soirée là qu’Andréas rencontra Jodie. Elle était âgée du même âge que lui, plutôt petite avec de belles boucles brunes qui dansaient en harmonie dans son dos mais surtout, c’est ce qu’il remarqua en premier, elle avait un tel regard. Vous savez, un de ces regards qui vous ensorcèle sur le coup et à damner les enfers. Et puis, elle était jolie, avec un petit côté chat sauvage à apprivoiser, et avec les griffes par-dessus tout. Elle roulait sur son skate, les écouteurs aux oreilles, les mains dans les poches. Elle ne ressemblait encore à aucune fille qu’il avait connu, elle était différente, il le sentait. Il y avait une certaine désinvolture dans sa manière d’être, de la manière dont son corps se mouvait, de la manière dont son visage restait impassible. Mais Andréas était bien le seul à remarquer ce détail chez la jeune fille, il s’en ait rendu compte quelques temps après, chez les autres, c’était de la fierté, de l’ego mal placé. Elle lui ressemblait tellement, et en même temps, si peu. Comment pouvait-on percer tant de mystère à la seule vue de sa silhouette ? Andréas n’en savait rien, et sans qu’il ne s’en rende compte, il abordait la jeune fille. Comme un gamin qui ne pouvait résister à l’appel d’une glace au chocolat, elle était sa gourmandise, la gourmandise la plus précieuse à ses yeux. Elle est devenue sa raison de vivre, celle qui rythme son existence. Sa joie de vivre émanée de tout son être et enivrait délicieusement le jeune homme qui n’était que trop aveugle face à la vraie réalité du monde. Car du jour au lendemain, elle n’est plus venue au skate park. Elle avait disparu tout simplement, laissant Andréas plus que jamais seul et blessé. Et c’est la semaine suivante qu’il apprit la nouvelle qui anéantit une part de lui. « Mon chéri, ton amie… Je viens de l’apprendre, tu sais… Elle est morte, un accident de la route, avec sa planche à roulettes, le conducteur ne la pas vue… je suis désolée… » Il n'écoutait qu'à demi-mots la voix de sa mère, car, en temps normal, il aurait forcément répliqué à l'entente de "planche à roulettes" mais un faussé béant c'était creusé entre le moment présent et l'état dans lequel il venait d'être plongé. Il n'insista même pas pour aller à son enterrement, ce qui sembla rassurer étrangement ses parents, mais à ce moment-là, il ne fit même pas attention aux regards en coin qu'ils se lançaient dans les jours qui suivirent. Et puis l'été passa, sans encombre, pour une fois. Avait-il fait son deuil ? Personne ne pouvait vraiment dire ce qu'il en était. Était-il dans la phase, qu'on dit, de "résilience", celle qui consiste à accepter et à continuer de vivre ? Andréas n'aura jamais été aussi difficile à cerner. Tandis que ses parents croyaient en une certaine rédemption de son passé, lui, mettait en scène cet artifice, alors qu'en réalité, profondément, il se laissa porter par un déni de plus en plus naissant. Ce qui finit par faire ressurgir ses "mauvais démons".

Nous étions en mi-novembre deux mille cinq, ça faisait deux mois que les parents d'Andréas avaient engagé des négociations avec le proviseur de son futur lycée, celui de Naderra, un petit bout de terre perdu. Et c'est justement dans ce coin là que vivait les grands-parents paternels d'Andréas, grands-parents qu'il n'avait encore jamais vu hormis en photos et ce qu'il voyait ne présager rien de bon. Selon son père, c'était un couple très «à cheval» sur l'éducation et sur les bonnes mœurs. Et c'est justement chez eux qu'ils comptaient bien envoyer leur fils «pour qu'il reprenne le bon chemin dont il s'était égaré». C'est donc ainsi qu'il a débarqué dans une nouvelle classe dans le lycée qui lui donnait déjà envie de se prendre. Car le jeune homme avait pas mal de préjugés sur les gens qui vivaient à Naderra, sûrement aucun justifié, mais quand on a dix-sept et qu'on perd tout d'un coup tous ses repères, on peut essayer de comprendre. Il avait tellement d'animosité envers Naderra, qu'il se sentit bien vite comme «l'intrus» du coin, mit de côté par les autres car il n'était pas comme eux. Pourtant il ne l'était pas tant que ça, mit de côté, en réalité, c'est lui-même qui se séparait des autres, dans le but de se mettre clairement en opposition à ce que ses parents auraient voulu de lui. C'est ainsi qu'il devint vite «le mec de Londres» que personne ne connaissait et pourtant qui créait sans cesse la controverse parmi les deux sexes. Certaines filles le dénigraient de par ses manières de se comporter tandis que les autres le regardait avec cet air béas propre aux jeunes filles en fleurs, quoique pas tant que ça puisqu'il en dé-fleura plusieurs dans le lot. Tandis que chez les garçons, il y avait ceux qui ne l'aimait pas, ceux qui s'en foutait et ceux qui le respectait d'instinct...



Nous étions un jeudi soir, les cours étaient finis depuis déjà presque trois quart d’heure et les couloirs avaient été vidés en moins de deux. Andréas était assis contre un mur, prétextant aux quelques professeurs qui passaient devant lui qu’il attendait la femme de ménage qui lui avait retrouvé son bouquin de mathématiques. Excuse tellement peu crédible mais tous avaient envie de rentrer chez eux, alors aucun ne répliqua. Pourquoi traînait-il alors que n’importe quel autre élève se serait rué vers la sortie pour partir ? Tout simplement pour ne pas rentrer chez lui. Ses grands-parents étaient pires que ses propres parents, et au contrario de Londres, il connaissait rien de cette ville, pas de refuge comme le skate park. Il attendrait donc la fermeture des portes pour s’en aller. Le silence était total. Enfin, jusqu’à ce qu’une légère mélodie lui parvint aux oreilles. Elle semblait lointaine mais bien présente, alors il se releva, intrigué. D’une démarche nonchalante, il chercha d’où provenait ce doux son et arriva devant une salle d’ordinaire fermée la journée. Jetant un coup d’œil discret, les nombreux miroirs aux murs donnaient une impression d’immensité de la salle et plusieurs barres étaient posées de-ci, de-là. Il ne fallait pas être diplômé d’Harvard pour comprendre que c’était une salle de danse. Alors qu’il comptait partir, son regard se posa sur une silhouette qui venait d’apparaitre dans son champ de vision. Elle était gracile et élancée, ses formes gracieusement avantagées par un maillot de danse et ses boucles rousses étaient relevées en chignon. Andréas eut comme un coups au cœur. C’était fou la ressemblance flagrante avec elle… Hormis ses cheveux flamboyants, c’était son double, ou presque... Charmé par la danseuse, il s'appuya contre le mur et la regarda intensément pendant les quelques minutes où il était encore invisible à ses yeux. En la regardant, on avait l'impression qu'elle était en totale harmonie avec la musique, qu'elle ne formait plus qu'un avec elle. Elle dansait avec cette telle légèreté qu'Andréas ne pouvait quitter des yeux son corps frêle de jeune fille. Et tout à coup, elle tourna la tête et, surprise de sa présence, elle étouffa un cri et trébucha maladroitement. Andy, sortit brutalement de ses pensées, accourut vers elle pour l'aider à se relever. «Ça va ?» Il aurait aimé en dire plus, comme "désolé de t'avoir fait peur" par exemple, mais aucun autre son ne sortit, elle venait de relever la tête vers lui et il put enfin apercevoir clairement son visage. Il était délicat, ses joues rondes et roses ressemblaient à celles d'une poupée de cire, ses lèvres carmins étaient dessinées à la perfection, son teint était comme cristallisé dans la glace. Et ses yeux... Deux pupilles d'un miel chaud et magnifique. Le garçon en resta troublé alors que la jeune fille acquiesçait timidement d'un léger signe de tête avec un petit sourire gêné. Sourire auquel il répondit de manière si naturelle, que ça le dérouta quelques secondes après, il n'avait plus vraiment l'habitude d'être dans un état si... serein. «Tu danses bien» s'entendit-il même répondre et pour la première fois, il entendit sa douce voix mélodieuse. «Merci...» Après quoi, il est resté encore une demi-heure pour assister à la fin de son entraînement, avec l'accord de la demoiselle. Malgré sa timidité dissimilée , il remarquait qu'elle souriait discrètement chaque fois que leurs regards se croisaient. Il aurait aimé la découvrir davantage lui parler, mais il ne voulait pas la déconcentrer et le seul plaisirs de la regarder danser le satisfaisait. A la fin, il a tenu à la raccompagner chez elle, mais elle a gentiment décliné l'offre en lui affirmant qu'elle n'habitait pas très loin, alors, il s'est incliné, pour une fois. Et elle est partie. Il ne lui avait même pas demandé son prénom, le bougre. Alors, il devait la revoir, c'était obligé !



Elle dormait paisiblement, ses longs cheveux caressant l'oreiller et son visage inerte tourné vers lui. Elle ressemblait toujours autant à la jeune fille de quinze ans dont il s'était tant épris, à part qu'aujourd'hui, c'était une femme qu'il avait à ses côtés... Bien des choses ont changés depuis cette époque si simple et si idyllique... Tout d'abord, ils s'étaient passés la bague au doigt il y a trois ans, «pour le meilleur et pour le pire» comme l'as si bien précisé le prêtre. Mais après un an de pur bonheur où leur couple resplendissait comme deux amants qui ne pouvaient se quitter, un beau jour, Andréas s'est réveillé et la face cachée du mariage s'est imposée à lui, comme ça, brutalement. Il n'était plus cet esprit libre qu'il prônait être auparavant, il y avait cet corde qui l'attachait, le menottait de toutes parts, il aimait Berlioz, oui, mais ce n'était plus comme avant. Avant, c'était merveilleux, elle, elle était merveilleuse ! Elle n'était peut-être pas son premier baiser, ni sa première fois, mais la première qui était parvenu à lui voler son cœur et à le garder pour elle. Elle était rayonnante, surprenante, avec elle, il pouvait attraper la lune pour lui offrir. Les lendemains étaient toujours des rebondissements dans leur vie, les nuits des feux d'artifices jamais de la même couleur. Et puis, il y avait toujours cette part de mystère entre eux, Andréas en découvrait toujours davantage sur sa dulcinée et il l'aimait chaque fois un peu plus fort. Mais tout ça, c'était une époque révolue. Madame routine s'était installée dans leur vie et ne comptait pas faire ses bagages aussitôt. Tout était devenu un automatisme chez lui, quelque chose manquait pour éclairer cette vie qui en devenait monotone. Et la réponse ne tarda pas à l'envahir. L'infirmière du service d'orthopédie. Blonde, grande et avec des attributs généreux. Il lui aura suffit de l'inviter chez elle pour prendre un verre que tous deux finirent dans le lit de la demoiselle. Et après c'est le cycle infernal. Après l'infirmière, c'était la vendeuse de la boutique de costumes et puis, la sœur d'un de ses patients et ainsi de suite. Ces relations d'un soir lui permettaient de se sentir de nouveau... vivant. Mais c'est surtout le jeu de séduction qui les précédaient qui rendait le tout excitant. Mais Berlioz dans tout ça ? Combien de fois s'est-il posé la question dans sa tête ? Bien trop de fois... Cette question le torture sans cesse, et il remet sans cesse en question pourquoi il se comporte ainsi alors qu'il l'aime et qu'elle l'aime. Même s'il commence à en douter, après tout, après cette dernière fois, cette dernière dispute, comment peut-elle encore l'aimer ? Elle a deviné qu'il avait une maîtresse même s'il a tenté de sauver les apparences. Et encore une fois, il a du jouer avec elle, jouer avec ses sentiments... Pour conserver leur amour. Il a du lui mentir, lui promettre que ce n'était qu'une erreur, qu'il avait trop bu, qu'il s'en voulait tant. Il s'en voulait, oui, mais il sur-jouait tellement. Mais ces derniers temps, elle semble davantage distante avec lui, comme si elle lui cachait quelque chose... Un quelque chose qu'Andréas comptait bien découvrir [...] Elle dormait donc quand lui se leva et mit la première chemise qui lui tomba sous la main. Avant de quitter leur chambre, il jeta un dernier coup d'œil à sa femme. Pour être sûre qu'elle dormait bien ? Ou tout simplement, parce qu'il se rendait compte petit à petit que ce n'était qu'un gros naze et qu'il allait la perdre s'il n'arrêtait pas tout de suite de la tromper ? Il referma la porte, puis alla en rejoindre une autre.